L’emballage comme vecteur d’émotion : quand l’ennoblissement numérique redéfinit les codes du packaging
Un entretien entre Kevin Abergel et Joe Deboy explore les mutations en cours dans l’univers de l’emballage, où l’ennoblissement numérique s’affirme comme un levier d’impact sensoriel et de différenciation commerciale.


Invité de l’émission The Digital Embellishment Show de la JETforce, le Réseau Social de MGI Digital Technology, Joe Deboy, vice-président des ventes chez Napco USA, un industriel américain spécialisé dans l’emballage et le packaging, a partagé avec Kevin Abergel une réflexion approfondie sur les évolutions du marché de l’emballage. Un échange franc, exempt de tout discours promotionnel, pour décrypter les enjeux et les perspectives d’un secteur en mutation.
Le tournant numérique engagé par Napco remonte à cinq ou six ans. Joe Deboy revient sur cette période où il s’agissait encore d’explorer comment intégrer efficacement les techniques numériques d’impression et de finition à l’univers de la boîte pliante. Si le rendu visuel gagnait en richesse, la découpe, le pliage et le collage demeuraient des étapes analogiques, souvent coûteuses et peu flexibles.
Pour répondre à cette contrainte, Napco a investi dans des solutions de découpe laser à haute vitesse. En supprimant la nécessité de formes métalliques traditionnelles, cette technologie a réduit les coûts de production, raccourci les délais et ouvert la voie à une approche plus durable. Joe résume : « Moins d’outillage, moins de réglages, et une exécution plus rapide ».
Mais cette avancée technologique n’est qu’un volet d’une stratégie plus large. En combinant impression, finitions et découpe numérique sur un même flux de production — notamment dans le format B2 — Napco a constitué une offre intégralement numérique, particulièrement compétitive sur les petites séries. Une configuration qui leur permet de se démarquer face à des concurrents encore ancrés dans des méthodes traditionnelles.
L’un des points forts de cette transformation réside dans son adaptation à de nouveaux marchés. Interrogé sur les segments les plus réceptifs, Joe cite les secteurs du cannabis, des cosmétiques et des jeunes marques. Ces acteurs évoluent dans des environnements où la distinction par l’emballage est cruciale. Pourtant, les arbitrages économiques sont complexes : « Quand une boîte à 75 cents doit emballer un produit à un dollar, il faut convaincre par la valeur ajoutée », souligne-t-il.
C’est là qu’intervient le facteur émotionnel. Joe insiste sur l’importance de l’interaction physique entre le consommateur et l’emballage. « À chaque fois qu’un client prend une boîte en main, les chances d’achat augmentent. C’est prouvé », affirme-t-il. L’objectif est donc de créer ce moment de contact sensoriel qui favorise la décision d’achat.
L’évangélisation auprès des clients fait partie intégrante de son rôle. Beaucoup ignorent encore ce que permet l’embellissement numérique, même dans le milieu de l’imprimerie. Joe préfère entamer chaque discussion par une écoute des objectifs : « Montrer un effet brillant ne suffit pas. Il faut prouver que cela a un impact sur les ventes », dit-il.
L’enjeu de la montée en charge est également abordé. Si une marque passe d’un millier à plusieurs centaines de milliers de boîtes, le numérique peut-il suivre ? Joe tempère : chaque technologie a ses limites. Le numérique excelle en flexibilité et en personnalisation, mais l’analogique reste pertinent pour les très grandes séries. Il faut en discuter dès les premières étapes du projet.
Pour appuyer ses arguments, Napco a mis en place des tests comparatifs A/B : une série de produits avec embellissement, une autre sans. Les résultats sont sans équivoque : les versions enrichies remportent l’adhésion des consommateurs. Toutefois, les décisions d’achat restent souvent freinées par les directions financières. « Ce ne sont pas les créatifs qui hésitent », sourit Joe, « ce sont les responsables financiers, qui demandent des preuves concrètes de retour sur investissement ».
Le discours de Joe est pragmatique : « Si vous n’êtes pas intéressé par l’embellissement, ce n’est peut-être pas le bon partenariat », confie-t-il. L’enjeu n’est pas de vendre à tout prix, mais d’accompagner ceux qui recherchent une expérience tactile différenciante. Pour lui, le packaging n’est pas un simple contenant : il doit créer un lien émotionnel, susciter l’envie par sa texture, sa brillance ou son relief.
Dans cet esprit, Napco explore de nouveaux supports. Prochaine étape : l’embellissement appliqué aux boîtes en carton ondulé, un segment encore peu exploité. Joe y voit une opportunité pour les marques d’abonnement et les influenceurs, friands d’expériences de déballage marquantes. Des essais sont en cours, intégrant spot UV et effets métallisés.
Tout au long de l’entretien, une idée revient en filigrane : l’embellissement n’est pas une coquetterie. C’est un levier stratégique dans un monde où capter l’attention devient un enjeu commercial majeur. Comme le résume Joe : « Il ne s’agit pas de vendre de la dorure. Il s’agit de créer une expérience qui pousse à agir ».
Avant de conclure, Kevin et Joe évoquent leur prochaine rencontre à Amplify, l’un des grands salons du secteur. Une occasion de montrer concrètement ce que le numérique permet aujourd’hui en matière de packaging. Pour Napco, l’objectif est clair : continuer à explorer, à innover, et à démontrer que l’émotion passe aussi par l’emballage.